… Cette idée d’une « peau des choses » qu’il faudrait crever pour saisir une sorte d’essence de la chose, perdure telle une tradition philosophique qui met la peau à la place de l’apparence. Mais la peau n’est qu’une surface d’inscription des signes de l’apparence. Crever la surface ne permettra jamais de voir ce qu’il y a derrière puisque la peau est elle-même un « il y a » qui se donne à lire, à voir, et à toucher. Au lieu de considérer la peau comme une surface intermédiaire entre un dehors et un dedans, il semblerait plutôt que, dans la vie quotidienne, elle soit une surface d’auto-inscription, un texte à part entière, mais un texte particulier parce qu’il serait le seul à produire des odeurs, des sons et le seul à inciter le toucher. …
Henri-Pierre Jeudy, Le corps comme objet d’art. (ed. Armand Colin)
« Interroger
l’habituel. Mais justement, nous y sommes habitués. Nous ne l’interrogeons pas,
il ne nous interroge pas, il semble ne pas faire problème, nous le vivons sans y
penser, comme s’il ne véhiculait ni question ni réponse, comme s’il n’était
porteur d’aucune information. Ce n’est même plus du conditionnement, c’est de
l’anesthésie. Nous dormons notre vie d’un sommeil sans rêves. Mais où est-elle
notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace. »
Georges Perec, L’Infra-ordinaire, (Le Seuil, 1989).